Octobre 2024
Si le rôle majeur des glucides chez les athlètes d’endurance est bien établi, de nombreuses questions scientifiques demeurent pour parfaire les recommandations d’apports à destination de ces sportifs, en termes de quantité, de qualité et de timing… Une revue fait le point sur les connaissances acquises, les points restant à élucider, et les recherches en cours et les perspectives possibles pour le futur.
Le rôle prépondérant des glucides pour soutenir l’effort physique
Alors que les protéines ont longtemps été considérées comme le macronutriment le plus important pour les sportifs – tel était le cas lors des premiers Jeux olympiques d’été organisés en 1896 ! –, le rôle primordial des glucides a peu à peu été révélé par les recherches menées au cours du 20e siècle. Il est aujourd’hui reconnu qu’ils participent à l’amélioration des performances et aident à la récupération.
Les exercices physiques intenses nécessitent des apports particulièrement conséquents en glucides. En effet, si la production d’énergie cellulaire (le fameux ATP) peut se faire à partir de glucides et de lipides, ce sont les glucides qui semblent préférentiellement utilisés au cours des exercices physiques intenses. Or les besoins en glucides au cours d’un exercice physique intense et prolongé peuvent largement excéder les stocks de glucides (glycogène) de l’organisme. Pour contrecarrer cette limitation physiologique, plusieurs stratégies sont ainsi mises en place, et en particulier 1/ la maximisation des capacités de stockage de glycogène dans les muscles avant l’épreuve d’endurance, et 2/ l’apport de glucides au cours de l’épreuve.
Optimiser les réserves corporelles de glycogène
Pour ce qui est de la maximisation des capacités de stockage musculaire de glycogène avant l’épreuve, celles-ci s’améliorent avec l’entraînement. La mise en place d’un régime très riche en glucides (10 à 12 g/kg de poids corporel, soit environ plus du double des recommandations générales) 2 à 3 jours avant une épreuve sportive (connu sous le nom de « carbo loading », ou charge en glycogène) est également couramment pratiquée par les athlètes d’endurance.
Pendant l’épreuve, un apport de glucides permet d’améliorer la performance, et cela passerait par deux mécanismes. La détection de glucides par les récepteurs gustatifs buccaux pourrait stimuler l’activité de certaines régions cérébrales. Surtout, les glucides apportés au cours de l’exercice participeraient directement à la production d’ATP et permettrait de maintenir le rythme d’oxydation glucidique en dépit de stocks musculaires de glycogène déclinants.
Des doses de l’ordre de 60 g/h à 90 g/h de glucides rapidement métabolisables sont généralement recommandées aux athlètes au cours de leurs épreuves d’endurance. Cette dose découle de données montrant que l’oxydation des glucides exogènes y atteint son maximum, sans gain supplémentaire au-delà. Des doses supérieures allant jusqu’à 120 g/h sont toutefois à l’étude, en particulier chez les athlètes d’élite. Quant au type de glucides à consommer, le maximum d’oxydation est atteint pour des mélanges de glucides associant glucose et fructose (permettant d’éviter la saturation de l’absorption intestinale de ces sucres, qui utilisent des transporteurs différents). Le ratio idéal entre glucose et fructose reste toutefois à définir.
Après l’épreuve, les réserves corporelles – musculaires et hépatiques – de glycogène doivent être reconstituées, de façon plus ou moins rapide selon la proximité de la prochaine épreuve (parfois moins de 24 h après, par exemple pour les cyclistes enchaînant les étapes du Tour de France). Pour cela, des doses de 1 à 1,2 g/kg/h de glucides sont généralement recommandées pendant les 4 premières heures suivant une épreuve. Là-encore des mélanges associant glucose et fructose pourrait accélérer la reconstitution des réserves corporelles.
Limiter les glucides à l’entraînement : l’utilité du « train-low » questionnée
En amont des épreuves et compétitions auxquelles les athlètes d’endurance s’adonnent, se pose aussi la question des apports optimaux en glucides au cours de l’entraînement. Des travaux menés au début des années 2000 ont suggéré une amélioration de la performance physique à l’issue d’un entraînement de 10 semaines avec des apports limités en glucides (apports en dessous des besoins identifiés pour atteindre l’objectif d’entraînement).
Cette stratégie nutritionnelle parfois mise en place au cours des périodes d’entraînement – dénommée train-low – est toutefois à double tranchant : certes, au cours d’une session d’entraînement, elle permet d’atteindre plus rapidement la déplétion des réserves permettant les adaptations métaboliques suscités par un tel état métabolique, recherché par les athlètes. Toutefois, cela compromet en parallèle la durée et l’intensité de la session d’entraînement, deux paramètres clés pour l’amélioration des capacités d’endurance des athlètes sur le long terme. L’utilité du train-low est donc remise en question ; et sa participation au déficit énergétique relatif dans le sport, ou syndrome RED-S [1] (voir notre précédente brève à ce sujet) n’est pas à exclure.
Programmer et personnaliser les apports en glucides
A l’inverse du train low qui limite volontairement les apports afin qu’ils ne couvrent pas l’intégralité des besoins, une stratégie alternative opte pour une programmation des apports en glucides pour parfaitement répondre aux besoins de l’entraînement (avant et pendant). Cette option « ni trop, ni trop peu » : permet ainsi de réaliser le programme d’entraînement dans son intégralité ; minimise le risque d’apports trop élevés compromettant les adaptations métaboliques recherchées ; et au long-terme minimise le risque du syndrome RED-S. Des recommandations générales d’apports sont proposées, selon le moment (avant/pendant), la durée et l’intensité de l’exercice (Figure) :
Figure : Apports en glucides recommandés en amont et pendant des sessions d’exercices de différentes intensités et durées.
[1] Relative Energy Deficiency in Sport
Voir tous les articles du numéro spécial « Activité physique et Nutrition »